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Interview de Didier Céré (Bootleggers- Juin 2013)

RTJ : Bonjour et merci à vous d’accepter cette interview pour ROAD TO JACKSONVILLE, webzine consacré à la musique qui vient du sud. J’ai eu l’occasion de vous découvrir lors d’un concert dans une boite de nuit de Charente, après Angoulême, c’était sur une sorte de perchoir, en tout cas cela me paraît assez surréaliste, ce devait être en 1999, avez-vous souvenir de ce concert ?

Didier Céré : J’ai un vague souvenir de l’endroit mais j’avoue ne plus me rappeler du concert, on a joué dans tellement de lieux… bons, moins bons mais toujours de super rencontres, quelques jams et quelques javas d’anthologie aussi...

RTJ : Tout d’abord, peux-tu Didier, nous dire comment tu as commencé la musique,
quels étaient tes groupes préférés ?


Didier Céré : J’ai toujours bricolé musicalement quand j’étais gamin, je piquais les disques d’Elvis de mon cousin et chantais dessus, puis quand j’étais mono ado, les autres chantaient du Neil Young autour des feux, moi du Cochran ou Gene Vincent, j’avais moins la côte avec les nanas. On avait monté un band au Collège et on reprenait du Ten Years After ou George Thorogood. La première vraie formation a été REBELS avec mon petit frangin début 80’s, du rockabilly pur et dur. Puis vint ABILENE entre Boogie Hard et Southern Rock, trois grattes, les premiers soli à la tierce et duels de guitares… On était interdit dans de nombreux endroits car on avait un immense Dixie Flag en fond de scène et une réputation assez sulfureuse. Notre public était plutôt biker. ça jouait très fort et on « distillait » pas mal de Jack Daniels, enfin vint BOOTLEGGERS. J’écoutais beaucoup de rock’n’roll à l’époque mais grâce à des potes bikers qui suivaient le groupe j’ai découvert LYNYRD SKYNYRD, OUTLAWS, POINT BLANK, MOLLY HATCHET, POCO, MANASSAS, NITTY GRITTY et beaucoup d’autres. J’ai commencé également a écouter des choses plus country comme CHARLY DANIELS, CHRIS LEDOUX mais également HANK WILLIAMS, JIMMIE RODGERS, JOHNNY CASH… Je reconnais que j’étais un poil sectaire. Je n’ai écouté du blues dans sa forme roots que tardivement...

RTJ : Didier peux-tu nous raconter en détail ton parcours musical et nous en dire plus sur ton premier groupe sudiste Abilène et le 45 tours sorti à l’époque ?

Didier Céré : Ben comme je le disais précédemment REBELS (Rockab’) il y a quelques siècles, puis ABILENE et enfin BOOTLEGGERS.
Woaw le premier 45t, ça date. On avait remplacé au pied levé un band qui s’était désisté pour un tremplin Radio France, c’était au Trinquet à Pau. On avait à peine 3 répètes. On a gagné le premier Prix qui était l’enregistrement d’un 45t. C’était les débuts d’ABILENE. Je pense que tous les potes bikers qui rugissaient devant ont influencé l’avis du Jury car honnêtement il y avait des bands qui méritaient cent fois plus de gagner. C’était notre première expérience studio également, deux compos en français « Malaise à Nogales » et le « Blues de John ». Un son tout petit, tout clean aux antipodes de l’orgie de décibels qu’on balançait sur scène. On a fait un second 45t « Né pour rouler » (reprise de « Born to be Wild ») et le « Rade des Zombies » plus proche du son scène avec Pat (ex-Calcinator) à la batterie. C’était vraiment un bon band mais Pat et moi étions malheureusement trop bad boys à l’époque, le groupe a splitté au bout de 3 ans.

RTJ : Quand as-tu fondé les Bootleggers ? Qui jouait dans le groupe ?

Didier Céré : Je pense que Bootleggers s’est crée aux alentours de 86 avec Fredo (Ie guitariste solo du groupe, NdR) qui jouait dans la dernière mouture d’ABILENE. On a écumé tout les bars du Sud. Puis Fredo est parti vers d’autres horizons musicaux et j’ai remonté BOOTLEGGERS avec la formation contrebasse/banjo/guitares (Pierre Aparicio dit General Lee, Philippe Charlot et Yves Lacourie), c’est avec cette formation qu’on a eu la chance d’ouvrir pour Johnny et faire quelques soirées privées à Laurada. ça a été également la rencontre avec Jean Sarrus, Georges Fengon, Dédé Djento de Canal Jimmy et le regretté Michel Castric de chez Sony. Musicalement c’était un mélange détonnant entre cajun rock et bluegrass saturé sans batteur. De nombreux gros festivals à cette époque, on se produisait beaucoup. 2 CDs « J’feele blues » (RFM 1993) et « Lightning over Arizona » (1994)

RTJ : J’ai retrouvé des images en live des Bootleggers, on peut dire que dans les années 90 vous étiez incontournable notamment dans le sud. Te souviens-tu de votre passage à Mirande en 1994 ? Y avait une pedal steel et du banjo et aussi un guitariste que je ne connais pas ? (Il ressemble à Rusty Burns en 1980)

Didier Céré : Mirande, un autre beau souvenir devant quelques 15 000 personnes, avec l’opening du « boss » (Johnny) notre plus gros concert à l’époque. C’était plutôt flippant de jouer devant ces marées humaines alors qu’on était surtout habitué à la proximité du public dans des clubs, serrés comme des sardines. Claude Langlois était venu nous renforcer à la pedal steel et dobro. On a même fini le set avec une jam avec Hugues Auffray. On avait un style assez particulier que le public semble avoir apprécié. L’aventure Bootleggers a réellement démarré après ce concert à Mirande. S’en est suivi tous les gros festivals country et meetings Harley hexagonaux, le summum ayant été Faro devant 50 000 personnes Pierre Aparicio, le lead guitar, avait effectivement un faux air Rusty Burns, barbe, cheveux longs. Il jouait avec une chemise « armée confédérée », un sacré guitaro très 70’s, plus Gibson que Fredo.

RTJ : Sur les images de Mirande, j’ai croisé une version de Dixie de derrière les fagots ? Allez-vous la rejouer ?

Didier Céré : Personnellement ça ne me dérangerait pas mais tous ces clichés « flag », Dixie, « deep South » semblent encore déranger des gens chez nous.

RTJ : Vous aviez enchaîné par Craponne sur Arzon en 1996, puis Nîmes Moto sud en 1997 et toujours en 1997 Limoux, as-tu des souvenirs de tous ces concerts ?

Didier Céré : Le groupe a subi des changements de personnel après Mirande et est devenu plus country rock .avec de nouveau un batteur et le retour de Fredo. Craponne, oui on avait la difficile tâche de clôturer après George Hamilton V et Becky Hobbs, pas facile, on a fait notre truc et ça s’est finalement bien passé. Craponne est la référence Festival Country. Oui Nîmes, avec ma frangine Candye Kane. Je l’adore, une grande dame qui se bat actuellement courageusement contre le crabe. Elle a un mental incroyable. C’est une Diva Blues. Limoux avec une autre grande rencontre : Calvin Russell. Un grand Monsieur qui m’a beaucoup marqué comme Steve Earle ou Steve Young. Des écorchés vifs mais également de belles âmes et quels compositeurs ! Le décès de Calvin m’a vraiment touché.

RTJ : On a perdu ta trace pendant quelques années, Didier tu as fait Texas Boogie Production.
As-tu quelques anecdotes de cette période ?


Didier Céré : J’ai effectivement bossé avec Texas Boogie mais continué à me produire notamment aux States. Une période où j’ai énormément appris professionnellement et où j’ai côtoyé et travaillé avec nombre de mes héros. Ray Benson (Asleep at the wheel), Dale Watson, Point Blank …
Des anecdotes?… La première fois que j’ai débarqué à Austin, au Ginny’s Little Longhorn, un bar 200% redneck. Un lascar plutôt colosse sort du rade et me dit « hey bro, keep my bass, have to pee » (« Salut mon frère, garde ma basse, je dois aller pisser », NdR). C’etait Billy Dee Donohue, ex-basseux de David Allan Coe qui jouait ce soir là avec Dale Watson. Il ne m’avait jamais vu avant mais j’aurais tué le premier qui touchait à sa basse. C’est devenu mon frangin comme Dale, Big Dog, Dodd Meredith, Rusty Burns, John O ... J’ai quelques « frangins » au Texas, de nombreux vétérans du Vietnam, des musiciens. On a des valeurs communes. J’ai un énorme respect pour eux.

RTJ : Après avoir longtemps dit à Didier qu’il devrait reformer les Booleggers,
la bonne nouvelle est arrivée début 2012, Didier peux tu nous dire comment s’est passé ce retour ?


Didier Céré : C’est la faute à Fredo… Non plus sérieusement, j’y repensais. Toutes ces rencontres musicales m’avaient mûri et je repensais à Bootleggers. Quand on s’est recroisé avec Fred et qu’il m’a demandé si ça ne me tentait pas de reprendre l’aventure, j’ai dit « feu » et je l’en remercie.

RTJ : Peux tu nous présenter la section rythmique et ce batteur fou ?

Didier Céré : Le basseux, Paulo, ex-Chicano Blues, est un monstre, plus roots tu meurs, un basseux à l’ancienne qui joue le fond. Nico le batteur est un petit prodige Ecole Agostini, il est déjà énorme et va encore progresser. Une rythmique cousue solide ! Je pense également petit à petit à jouer plus électrique.
Le nouveau groupe a trouvé une identité plus reddirt.

RTJ : Comment et où avez-vous enregistré ce disque ?

Didier Céré : Il a été enregistré dans plusieurs endroits. Une partie au studio le Chantier dans les Hautes Pyrénées, le studio American Roots à Pau chez Fredo, Willie Nelson's Pedernales Studio's à Spicewood TX, Control Room studio à Fort Worth TX. Le mix chez Celestine Records Studio à Pau. Très honnêtement, il n’a pas été facile à accoucher car Fredo et moi avons des manières complètement différentes de travailler, je suis un adepte du live à la ricaine et Fredo a une approche plus technologique du son, c’est un torturé de la technique. ça prenait trop de temps, j’avoue avoir un peu pété les plombs et fait refaire la rythmique plus quelques raccords et mix à chaud chez Celestine à Pau.
ça a pris 15 jours, c’est un peu brut de décoffrage mais ça a donné finalement « Heart of Dixie ».

RTJ : Comment s’est fait le choix des reprises (excellentes) ? Qui a choisi ?

Didier Céré : Ben c’est encore moi , désolé . On m’a reproché le choix de « I’m Afraid » et « Out of Habit », certains auraient préféré un album plus concept . Quelques critiques belges ont également pointé mon « accent effroyable » (?), j’ai demandé à mes potes texans que ça ne dérangeait pas plus que ça.
On a d’ailleurs eu une excellente critique sur Outlaw Magazine au Texas http://www.outlawmagazine.tv/content/bootleggers-album-review-heart-of-dixie/
Mais bon je suis conscient que j’ai encore beaucoup à travailler côté phrasé.

RTJ : Comment est venu l’idée d’embaucher Rusty Burns pour la reprise de Hank Williams « Move It On Over » envoyée façon GeorgeThorogood ?

Didier Céré : J’ai tout simplement demandé à Rusty et il nous a fait l’honneur d’accepter. Ses solos sont premier jus mais quelle beigne. Le pire c’est qu’il nous a dit si ça n’allait pas, il pouvait en refaire d’autres. ça collait tellement au truc qu’on a gardé ses premières prises. C’est un immense Monsieur, un « guitar heros » d’une gentillesse incroyable et un sens très profond de l’amitié. (Et c'est tout à fait vrai, la rédaction de RTJ ne peut que confirmer.)
Il y a aussi l’ami Nico Wayne Toussaint, l’une de nos gâchettes blues hexagonales qui nous balance quelques soli de folie sur ce titre.

RTJ : Didier si tu devais définir le jeu de guitare de Frédo, que dirais tu ?

Didier Céré : Je sais pas, le jeu d’un martien qui a 10 doigts. Il est même trop technique par moment, je l’aimerais plus rock’n’roll mais c’est une chance de bosser avec lui.

RTJ : Comment vous est venue l’idée de reprend le « Red Nekkid » des Flynnville Train ?
C’est du southern rock dans sa forme country rock poisseux qu’on aime.


Didier Céré : J’avais entendu ce titre sur Big Cactus Radio Country l’émission de mon vieux pote Johnny Da Piedade, j’ai tout de suite adoré. Chez Flynnville Train, il n’y a rien à jeter. C’est un band qui va faire parler de lui dans les mois qui viennent. Une valeur sûre comme Blackberry Smoke. Brian et Brent sont deux amis désormais et j’espère qu’on ouvrira pour eux bientôt comme j’espère ouvrir pour Point Blank l’an prochain.

RTJ : Je viens enfin de vous revoir sur scène, et votre version de « Sweet Home Alabama » reste toujours un must. Avez-vous d’autres morceaux de Lynyrd Skynyrd en réserve ?

Didier Céré : Peut être qu’un jour on reprendra « Simple Man », j’aurais toujours aimé chanter ce titre. J’ai eu des invites à 2 reprises pour les voir sur scène, je n’ai jamais pu y aller. C’est rageant, c’est vraiment un de mes bands référence. J’espère pouvoir aller sur la Cruise un jour et enfin les voir en vrai. C’est un plan à définitivement décoller tous mes tattooes.

RTJ : Didier, j’en profite mais aurais tu une petite anecdote à nous raconter sur Point Blank après leur avoir enfin permis de traverser l’Atlantique depuis 2007 ? Un rêve pour tout fan de rock sudiste, revoir le groupe qui après Lynyrd et Allman nous avait le plus ravi.

Didier Céré : Je n’ai pas d’anecdote spéciale hormis que c’est un immense honneur de pouvoir travailler avec eux. J’ai vraiment été effondré quand j’ai appris le décès de Philip Petty. Il faisait énormément pour le groupe. Ah si peut-être, les fans venus au Billy Bob’s ont eu la chance que Rusty soit un peu « shaman ». John O avait fait un gros malaise et le toubib du service médical de Disney ne lui donnait pas l’autorisation d’assurer le concert. On était prêt à annuler, le Billy Bob’s était plein à craquer. Rusty s’est isolé avec lui et s’est mis à prier. Point Blank a assuré un concert énorme ce soir là. Ils ont une foi à déplacer les montagnes. Je ne connais pas beaucoup d’artistes qui auraient assuré le show après un tel malaise. Une force, un mental incroyable, la Foi et un énorme respect pour leur public.

RTJ : Quel est l’avenir des Bootleggers ? Un nouveau CD en 2013 ?

Didier Céré : L’avenir le dira. On devrait partir en tournée aux States en novembre et également au premier Festival Americain de Doha au Qatar. 2013 a été une belle année Festivals. Oui, on va se remettre à bosser sur de nouveaux titres à la rentrée. On a déjà enregistré « Spirit in the Sky » pour le prochain opus. Il y aura également une belle ballade Southern « I'm a Homeless Vet » co-écrite avec Joey Welsh, un vet du Vietnam. Je vais en parler à Rusty, j’aimerais beaucoup l’avoir sur ce titre. Wait and see.

RTJ : Si vous deviez finir votre vie sur une île déserte, quels seraient les 5 albums que vous emmèneriez ?

Didier Céré : Ben c’est pas folichon comme fin de vie. Très honnêtement, difficile de garder 5 albums sur les milliers que j’ai. J’ai eu ma période Rock’n’roll : Elvis, Eddie Cochran, Gene Vincent, Buddy Holly … Sudiste : Lynyrd, Outlaws, Molly Hatchet… J’adore le « Tres Hombres » de ZZ avec le monumental « La Grange ». J’écoute du blues, du boogie, des vieux bands swing des 50’s. Désolé, JOKER amigo, et puis s’il n’y a pas d’électricité sur ton île, il vaut mieux que j’amène une guitare et quelques caisses de Pomerol. Mais bon si je peux choisir, je préfère finir ma vie avec ma compagne, mes enfants, petits enfants et famille, mais bon tu me laisses encore quelques années de rock’n roll avant. Merci à toi. Keep on rockin’ loud and proud !

Questions préparées par Philippe Archambeau et Yves Philippot-Degand.

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